PREMIÈRE LEÇON GRECQUE : LA FERMETÉ PAIE, par François Leclerc

Billet invité.

L’équipe réunie par Syriza a déjà remporté une première victoire : elle a réussi là où François Hollande et Matteo Renzi ont échoué avec leurs tentatives timorées d’assouplir la stratégie gravée dans le Pacte fiscal. En prenant l’initiative, et en faisant preuve de fermeté, le dos au mur du défaut dont elle fait un instrument de chantage caractérisé, le gouvernement grec mène pour l’instant la danse là où les Italiens et les Français ont dû en rabattre, ayant fait la preuve du contraire. Qui l’eut crû ?

Mais pour que cette stratégie fonctionne, il fallait que la stratégie poursuivie par les dirigeants européens soit au bout du rouleau, ce que la BCE a entériné en lançant son programme massif d’achats de titres faute de mieux. L’ensemble de la situation européenne doit être prise en considération. Mais il reste vrai que les bêtes blessées sont dangereuses, même lorsqu’elles sont prises à leur propre piège : le dépit n’a pas besoin d’être amoureux pour être cruel.

Le gouvernement allemand est fragilisé, car il serait pris à contre pied par un défaut grec sur sa dette, qui a commencé à libérer des forces centrifuges dans toute l’Europe, et dont l’incidence financière est en réalité imprévisible. Il se trouve pris entre deux feux, l’Östpolitik qui depuis Willy Brandt sous-tend la poltique allemande heurtant simultanément à la stratégie de réalisation de la Grande Russie de Poutine qu’elle ne parvient pas à contenir. À son tour, le gouvernement allemand est un colosse aux pieds d’argile, comme on le disait jadis de l’Union soviétique. Sa force provient de la faiblesse de ceux qui ne lui opposent pas de stratégie alternative.

Si l’on veut regarder les choses en face, la proposition grecque de restructuration de la dette liant son remboursement à la relance de la croissance est la seule option réaliste sur le tapis de la négociation. C’est la solution de moindre perte pour le système financier, une fois les gouvernements poussés à faire collectivement défaut afin que les européens n’en fassent pas les frais et leur demandent des comptes. Mais elle heurte la conviction que l’activité financière doit être protégée de tous les risques et créerait une dynamique qui fait peur…

La porte-parole d’Angela Merle a assuré qu’Alexis Tsipras était « un hôte bienvenu » à Berlin, il ne pouvait pas en être autrement, question de rapport de force.